Pendant plusieurs années, Alain Badiou a fait son séminaire académique « officiel » dans le théâtre de La Commune, plus approprié, à ses yeux, qu’un « amphi » académique pour ce qu’il pensait devoir dire. Il avait depuis peu abandonné cette pratique, vu son âge, disons « au-delà de 80 ans », qui le mettait en dehors des coordonnées officielles du service public actif.
Sous la pression des circonstances, faites de confusion et – selon son propre langage – de désorientation, il a repris cette activité au théâtre de La Commune en 2021-22, au rythme convenant à son âge : une séance de deux heures chaque mois.
Comme ce séminaire a connu un succès très réel, Alain Badiou a décidé, bien que la loi du temps soit d’aggraver chaque année son âge, de récidiver pour la saison 2023-2024. Il fera, d’octobre à juin inclus, un séminaire mensuel de deux heures.
Le monde qui nous entoure se connait peu lui-même. Il se confie à des lois trop abstraites pour ne pas être exposé à la catastrophe d’évènements qu’il ne saurait recevoir ou accueillir. On peut alors penser que ce qui est demandé au philosophe, de l’intérieur de la précarité infinie de ce monde, c’est de faire le pari d’une philosophie décidée, fondatrice, qui soit en même temps une philosophie de la singularité, une philosophie de la vérité, une philosophie rationnelle et une philosophie de l’événement. Car dans la désorientation contemporaine, il importe d’abord de restaurer la confiance en les propres pouvoirs pensants (rationalité et vérité) d’un sujet (singularité) capable d’accueillir ce qui advient de nouveau (évènement). La philosophie doit, devrait, se proposer d’être, hors de tout moralisme, et sur la base de cette confiance restaurée, l’abri possible d’une orientation des sujets vers un bonheur enfin réel.
En somme, notre monde malade dit au philosophe, lui-même souvent affaibli par sa complicité secrète avec le nihilisme ambiant : « Philosophe incertain ! Lève-toi et marche ! ». Marcher, alors, sous l’impératif d’une Idée vraie, nous destine au bonheur.