Première séance / LOVE d’Alexander Zeldin
Première séance / LOVE d’Alexander Zeldin
Créé en 2017, le séminaire de dramaturgie a pour enjeu de transmettre des outils de réflexion sur les différentes formes du théâtre contemporain. Le séminaire est gratuit et ouvert à tous et toutes. Il est dirigé par Théo Cazau depuis 2021.
« Le séminaire de dramaturgie de la dernière saison s’est largement appuyé sur l’œuvre de Bertolt Brecht, avec pour fil rouge la question de l’utilité de la fable. Au fur et à mesure des séances, nous avons retracé à grands traits les réflexions du dramaturge allemand, et sommes arrivés à ce qui semble être son interrogation la plus vertigineuse et la plus récurrente dans son travail : à quoi le théâtre peut-il servir face au fascisme ?
Bertolt Brecht ne nous permet pas de définir ce que serait une utilité atemporelle du théâtre ; c’est même plutôt le contraire. Bien loin du dramaturge dogmatique et froid qui est souvent dépeint, Brecht a toujours pris un grand soin à se contredire, à changer de stratégie, d’esthétique, de position, à adapter ses pièces à l’aune de l’actualité, à rajouter des prologues, à les enlever, à appuyer le comparé historique avant de l’effacer ; comme dirait Fredric Jameson, Brecht fait preuve de ruse pour ne jamais se définir et ne jamais cristalliser son théâtre, de la ruse pour avoir plusieurs vies, et pouvoir se tromper, de la ruse pour toujours proposer un théâtre qui serait à la hauteur des circonstances.
Voilà une expression étrange, que nous allons essayer de déplier tout au long de la saison prochaine, mais qui contient une première exigence héritée de Brecht : celle de ne jamais considérer le théâtre comme une évidence. Oui, il y a des circonstances à l’aune desquelles le théâtre peut ne pas être défendable, à l’aune desquelles le théâtre peut n’être qu’un horrible musée des consolations et un pathétique temple de l’oubli. Exiger un théâtre à la hauteur des circonstances, c’est empêcher qu’il ne devienne une de ces grandes évidences culturelles indéboulonnables, c’est prendre le risque qu’il disparaisse et que nous ayons mieux à faire…
Le séminaire de dramaturgie de cette saison prendra comme points de départ plusieurs moments de crises politiques qui ont poussé un grand nombre de praticiens et praticiennes soit à abandonner le théâtre soit à le redéfinir radicalement dans le but de le hisser à la hauteur des circonstances, bien souvent aux risques du ridicule et de l’incompréhensible. L’hypothèse à vérifier est donc la suivante : c’est en replaçant le théâtre au cœur de ses crises, que nous pourrons esquisser, à l’aune des circonstances actuelles, la nécessité de sa disparition ou les pistes de son renouveau. » Théo Cazau